3.2.16

Episode 91: Accostage


La nuit n'avait pas pu chasser cette idée de l'esprit d'Azalée, et au petit matin, rien n'avait changé. Elle avait toujours les mêmes symptômes, et il lui devenait de plus en plus évident qu'elle était enceinte... Et il n'y avait bien entendu que Joss pour en être le père. Elle ne savait pas quoi en penser. Avoir un enfant...? Elle était si jeune! Et de surcroît, elle se trouvait au beau milieu de l'océan. N'était-ce pas un endroit un peu... dangereux pour élever un bébé?

Elle n'avait personne pour l'aider, personne pour la conseiller. Il ne lui restait plus que les manuscrits de Kâli, mais serait-ce suffisant?

Il était de toute façon trop tard pour se poser toutes ces questions à présent. Qu'elle le veuille ou non, elle serait mère.



Elle sortit sur le pont, et observa l'horizon qui ne semblait pas avoir bougé d'un poil depuis qu'elle était partie de chez elle. Combien de temps cela faisait-il qu'elle guidait le bateau à travers les eaux? Plusieurs semaines? Plusieurs mois? Elle avait complètement perdu la notion du temps. Elle s'était tellement perdue dans ses rêves et ses besoins d'évasion, qu'elle n'avait pas pensé à compter les jours.

Elle se tendait cependant compte qu'il n'y avait pas qu'une semaine qui s'était écoulée, notamment lorsqu'elle remarque que son ventre avait pris quelques rondeurs. Elle avait complètement oublié la réalité, et ne s'était concentrée que sur ses rêves. Elle n'avait même pas remarqué la vie qui commençait à se développer en elle...

Alors que les nuages flottaient au-dessus d'elle, elle prit une résolution: il fallait qu'elle recherche activement une nouvelle terre. Elle ne pouvait pas accoucher en pleine mer, comment allait-elle faire ensuite pour s'occuper du bébé? Il risquerait de tomber à l'eau à chaque minute, elle serait seule pour le surveiller.


Le bateau reprit donc une allure plus soutenue au cours des jours qui suivirent. Azalée reprit sa surveillance de l'horizon, et guettait le moindre signe annonciateur d'une nouvelle terre.

Elle essayait de regarder aussi dans la ciel, et cherchait un oiseau, un être vivant qui aurait pu la conduire sur la terre ferme. La recherche était cependant longue, elle avait du s'avancer très loin dans l'océan lors de son départ, ce qui rendait la probabilité de rencontrer une île ou un continent beaucoup plus faible que si elle s'était d'abord contentée de longer la côte.

Même si elle aimait la solitude dans laquelle elle s'était plongée, l'idée d'avoir dans quelque temps quelqu'un avec qui passer ses journées lui faisait plaisir. Elle ne serait plus seule à profiter des paysages magnifiques qui s'offraient à ses yeux, elle pourrait raconter des histoires à son enfant... Lui parler de son père. Elle ne voulait surtout rien lui cacher de ses origines.


Pour occuper ses journées, car son ventre qui grossissait ne lui permettait plus de rester debout pendant des heures devant son chevalet, elle avait décidé de commencer son propre journal intime. Ainsi, elle pourrait ajouter sa propre aventure à celle de sa mère, de son grand-père, et de tous ses ancêtres bien avant elle. L'idée de pouvoir transmettre son histoire et son grand voyage à son enfant, plus tard, la séduisait beaucoup.

C'était une façon d'assurer sa mémoire, et elle passa la soirée à rédiger les premières pages de ce précieux manuscrit.

Ce fut seulement lorsque la nuit fut tombée qu'elle s'installa derrière le gouvernail, pour choisir la direction que la bateau prendrait pendant qu'elle dormirait.


Mais la jeune fille eut beaucoup de mal à se décider. De gros nuages s'étaient amoncelés dans le ciel, brouillant la vue toujours parfaite qu'elle avait eue jusqu'à présent. La pluie tombait à fortes gouttes, et un vent plutôt bruyant s'était levé.

Soucieuse, Azalée décida de maintenir le cap dans la direction qu'elle avait choisie le matin-même. Il ne serait pas judicieux de faire demi-tour ou de prendre à l'est, étant donné que la tempête semblait prendre sa source juste derrière le bateau. Il valait mieux fuir cet endroit le plus vite possible, pour ne pas se retrouver dans l'oeil d'un cyclone quelconque.

Elle vérifia une dernière fois tous les réglages, puis partie se coucher.


La tempête fit rage toute la nuit, et elle sentait le bateau qui secouait beaucoup plus que d'habitude. Elle finit cependant par s'endormir, et elle ne se réveilla qu'à l'aube.

Là, une surprise l'attendait, quand elle jeta un oeil par la fenêtre: une île.

Elle se frotta les yeux plusieurs fois pour être certaine de ne pas rêver, mais ce qu'elle voyait était bel et bien réel. Il y avait une île verdoyante droit devant elle. Elle s'habilla précipitamment avant de reprendre en main la barre de navigation. Il fallait accoster cette île, cela faisait des mois qu'elle naviguait sans avoir rien vu d'aussi vert, il n'y aurait pas de seconde chance!

Elle vira de bord, tout en faisant attention à ce que le bateau ne percute pas un quelconque récif de corail.


Elle put s'approcher sans trop d'encombres du rivage.

L'île semblait calme, presque paisible malgré la pluie qui continuait de tomber sur les arbres. Une immense forêt semblait avoir poussé sur les terres de cette île sauvage, et Azalée se demandait si quelqu'un d'autre qu'elle avait déjà fouler le sol de ces côtes sablonneuses.

Elle longea la rive pendant un petit moment, et chercha le meilleur endroit pour jeter l'ancre du bateau. Elle ne pouvait pas s'approcher de trop près, mais elle voulait aussi éviter d'avoir à nager trop longtemps pour poser un pied à terre.

Quand, enfin, elle trouva une petite baie accueillante, elle arrêta le bateau avec impatience.


Sentir le sable sous ses pieds était une sensation bien étrange. Elle n'avait plus senti la terre, l'herbe, le sable depuis qu'elle avait quitté le cocon familial.

Elle jeta un oeil derrière elle: le bateau semblait bien arrimé, il ne risquait pas de dériver ou de s'en aller à cause d'une vague un peu trop forte.

Elle ne voulait pas y retourner tout de suite, elle avait eu son compte de roulis et de clapotis pour le moment. Elle n'y réfléchit que quelques secondes, puis décida de partir un peu à la découverte de l'île. Peut-être cachait-elle quelques secrets?


Face à elle, la grande forêt qui recouvrait la plus grande partie de l'île lui faisait face. Il n'y avait pas plusieurs solutions, et de toute façon, si elle ne voulait pas être trempée, il fallait qu'elle s'abrite. Il n'était pas question de tomber malade.

Elle décida donc de commencer son exploration sous les arbres denses et feuillus qui poussaient ici depuis des années, sans doute des siècles. D'après l'état des lieux, elle devait être la première à fouler ces terres depuis très longtemps...

Peu lui importait, elle avait trouvé ce qu'elle voulait: un endroit où s'établir en attendant que le bébé naisse et grandisse. Ils seraient ici à l'abri des tempêtes, et en sécurité. Il n'y avait pas une seule bête en vue.


Elle marcha un moment à travers les arbres. Ils étaient si épais, avec un feuillage si dense qu'elle ne voyait plus le ciel quand elle levait la tête. Elle s'avançait lentement, pour essayer de se souvenir du passage qu'elle empruntait: il lui faudrait revenir en arrière pour retrouver le bateau, elle ne voulait pas se perdre. Toutes ses affaires étaient encore dans sa maison flottante, rien n'avait été débarqué.

Enfin, elle déboucha sur une petite clairière où  une surprise l'attendait. Elle ne savait pas s'il s'agissait d'une bonne ou d'une mauvaise nouvelle, mais elle ouvrit de grands yeux: une vieille maison en ruine se dressait devant-elle. Les murs étaient sales et ne semblaient plus que tenir grâce à la chance, et le muret qui l'entourait était couvert de lierre.

Curieuse, elle s'avança. Qui avait bien pu construire un tel bâtiment, alors que l'île semblait déserte?


Elle s'en approcha, et observa attentivement la façade de la maison. Elle y posa sa main, et appuya légèrement. Le mur avait l'air plus solide qu'il n'y paraissait, et elle en fut soulagée.

D'ici, elle pouvait mieux voir les environs que depuis la forêt. Une grande partie de pourtour des ruines était composée des arbres de la forêt, mais une petite portion de la clairière se poursuivait dans une direction. Azalée se promit d'aller y jeter un oeil, dès que la pluie aurait cessé.

Avec tout ce qui continuait à tomber du ciel, elle ne voulait pas risquer de tomber malade. Si elle avait pensé à prendre quelques fioles de remèdes préparés par Kâli, elle ne voulait pas prendre de risque, pour les économiser.


Elle essayait de s'abriter tant bien que mal sous la gouttière du bâtiment, et sortit une pomme de sa poche. Elle avait faim, elle avait été si contente de trouver une île qu'elle n'avait même pas pensé à prendre un petit-déjeuner.

Elle croqua à pleines dents dans le fruit. Il avait un goût sucré et très doux. Elle contempla la porte de la vieille maison, elle sentait qu'elle allait pouvoir s'établir sur cette île en toute sérénité, et elle était soulagée. Le bébé pourrait venir tranquillement au monde, et tout se passerait bien. Ils reprendraient la mer quand elle lui aurait appris à marcher, et qu'il saurait nager. Cela lui semblait être une bonne idée, et elle voyait son avenir se dessiner de façon sûre.

Cette île pleine de palmiers lui promettait de nouvelles aventures, et elle avait hâte d'y goûter.


Une fois sa faim un peu calmée, elle décida de prendre son courage à deux mains, et d'entrer à l'intérieur du bâtiment. S'il était aussi peu solide qu'il en donnait l'impression, avec le vent qui soufflait et la pluie qui tombait, il était certain qu'il serait déjà tombé à terre, or il n'en était rien. Elle franchit donc la première porte sans craintes trop élevées.

L'intérieur était tout aussi sombre que l'extérieur, et les nuages qui cachaient le soleil n'y était sans doute pour pas grand-chose. Le parquet craqua sous les pieds de la jeune fille. Elle n'y voyait pas beaucoup, mais de nombreuses mauvaises herbes avaient réussi à s'infiltrer à l'intérieur, à pousser et à se multiplier. Les lieux n'étaient vraiment pas accueillants, et personne n'aurait eu l'idée d'y passer ne serait-ce qu'un instant de plus en y pénétrant.

Mais Azalée n'avait pas peur. Est-ce que l'esprit d'aventure ne vous faisait pas aimer de passer des moments dans ce type d'endroit?


Dans la pièce la plus proche de l'entrée, se trouvait un lit.

Les draps étaient quasiment inexistants, rongés par des insectes et autres bêtes qui avaient dû séjourner ici. ce n'était pas dérangeant, sachant que la température extérieure était assez élevée, on n'avait donc pas besoin d'une épaisse couverture pour s'endormir au chaud.

Azalée avait dû passer toute sa journée à marcher pour arriver jusqu'ici, car le soleil semblait s'être déjà couché lorsqu'elle termina l'inspection des lieux. Elle décida donc de passer la nuit ici, avant de faire le chemin inverse jusqu'au bateau. Il était inutile de prendre le risque de se perdre en pleine nuit, et elle était fatiguée.

Elle s'allongea donc dans le vieux lit, se demandant toujours qui avait bien pu vivre ici. Mais si les habitants en étaient partis, elle ne le saurait probablement jamais.


Elle se réveilla aux aurores dès son quota de sommeil fut rempli. N'ayant plus rien à faire dans ces lieux étranges et complètement vides, elle décida de reprendre le chemin du retour immédiatement. La pluie avait cessé de tomber durant la nuit, et elle retrouva facilement le sentier qu'elle avait emprunter pour arriver là.

Elle observa tranquillement les arbres qui l'entouraient: avec les rayons du soleil, la forêt semblait un peu différente, plus accueillante et moins sombre. Elle espérait que des fruits ou des plantes comestibles poussaient quelque part par ici, ses réserves de nourriture commençaient à s'épuiser, ce qui était mauvais signe.


Il lui fallut encore toute une journée pour rejoindre la baie dans laquelle stationnait le bateau. Quand elle l'aperçut qui flottait tranquillement sur les eaux tranquilles, elle prit sa décision: elle allait emménager dans les ruines dès le lendemain. Il lui suffirait de bien emballer ses affaires, si elle s'y prenait avec méthode et logique, un seul trajet serait bien assez pour transporter tout ce dont elle aurait besoin.

Ce bateau avait été une source indéniable de rêves et d'espoirs pour elle, mais elle devait reconnaître que vivre dans un tel espace restreint n'était pas fait pour elle. Maintenant qu'elle avait découvert l'île et ses ruines, elle n'avait plus qu'une envie, c'était d'y débarquer pour de bon.


Elle fit d'abord le tour de chacune des pièces, pour lister mentalement ce qu'elle allait emmener, et ce qui allait rester sur le bateau. Elle n'avait pas vraiment d'objets de valeur, mais elle avait parfois beaucoup d'affection pour un coquillage, une vieille pierre qui portaient en eux beaucoup de souvenirs familiaux.

Elle se rendit ensuite dans la salle de bains pour prendre une douche: elle ne s'était pas lavée depuis plus de vingt-quatre heures, et elle commençait à sentir la saleté qui s'accumulait sur elle.

Elle avait repéré une petite source d'eau non loin de la maison en ruine, et elle espérait que ce serait suffisant pour se laver une fois qu'elle se serait établie.


Au cours des derniers jours, son ventre avait beaucoup grossi, et elle espérait que la robe qu'elle avait enfilé serait suffisante jusqu'à la fin de sa grossesse. Elle avait l'impression de se sentir de plus en plus à l'étroit, mais il lui était impossible de se rappeler depuis combien de temps le bébé avait commencé à grandir en elle. A un ou deux mois près, tout pouvait changer, elle s'attendait donc à le voir arriver dans quelques semaines tout au plus.

Elle posa les mains sur son ventre. La lecture d'ouvrages rédigés par Kâli sur la grossesse et les accouchements ne l'avait pas beaucoup rassurée, et elle n'avait pas connu de femmes qui avaient mis leur enfant au monde seule, sans l'aide de personne.

Elle ne pouvait qu'espérer que tout se passe bien.


En se retrouvant face aux ruines pour la seconde fois, Azalée trouva qu'elles étaient beaucoup plus belles que la première fois qu'elle les avait découvertes.

Avec un peu d'efforts et beaucoup de main d'oeuvre, la maison aurait un nouvel aspect plus chaleureux. Il lui suffirait d'arracher les mauvaises herbes, de nettoyer la façade et les murs intérieurs... En bref, il y avait beaucoup de travail à accomplir avant de pouvoir vraiment la qualifier de maison.

Ce fut donc avec une grande satisfaction que l'adolescente y déposa ses affaires, de grands projets en tête pour sa future demeure.

4 commentaires:

  1. Cette île est très intéressante, ainsi que ses ruines ! J'ai hâte d'en découvrir un peu plus sur cet endroit ! Et de voir le bébé également c:

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  2. J'aime beaucoup l'idée de reconstruire une maison à partir de ruines! Vivement qu'on en apprenne plus sur l'histoire de l'île (et de voir l'accouchement aussi! :D)

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    1. ça ne va pas être facile vu la tête des ruines, mais on va essayer!

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