17.12.15

Episode 76: Cas de conscience


"Alors... tu vas avoir un bébé?
-Oui, et tu seras tata! Je suis si contente!"

Târâ venait d'apprendre la nouvelle. Sa soeur allait découvrir les joies de la maternité, et même si elle était vraiment heureuse pour elle, des questions commençaient à germer dans son esprits, et des doutes s'insinuaient dans sa tête.

"Je ne pensais pas que tu voulais déjà avoir un enfant!
-Et bien ce n'était pas prévu, c'est vrai... D'autant plus que nous ne sommes même pas unis. Mais ça ne me dérange pas, et Akin non plus. Nous aurons bien le temps plus tard d'y penser.
-C'est sûr... Vous allez déménager?
-Non pourquoi? Il y a encore de la place ici, et nous sommes bien!"

Târâ fut à moitié soulagée. Au moins, elle n'allait pas être obligée de se séparer de sa soeur. Déjà que Kairos était parti, et qu'elle n'arrivait pas à se faire à son absence...




Kâli avait bien perçu que la jeune femme était déroutée par cette nouvelle, même si elle ne doutait pas de ses bonnes intentions lorsqu'elle l'avait félicitée.

"Ne t'inquiète pas, ça ne va rien changer entre nous!
-Haha, bien sûr que non... fit-elle d'une voix mal assurée.
-Tu m'aideras à m'en occuper! Et puis d'ailleurs... Tu te rappelles, il y a des années de ça, tu voulais toi aussi devenir guérisseuse?
-Mais je n'aurais jamais les capacités pour ça, tu le sais bien...
-Je pourrais te donner quelques conseils, t'apprendre quelques trucs... Pour m'aider.
-T'aider?
-Eh bien oui, pour la naissance du bébé... Si quelque chose devait mal se passer.
-Ne dis pas ça, tout ira bien!
-Et puis j'aurais besoin de toi. J'aurais besoin que tu sois là à mes côtés."

Târâ finit par hocher la tête, et lui promit qu'elle serait là. Il lui semblait qu'un lien spécial s'était créé entre elles... mais jusqu'à quel point pouvait-il résister?


Quelque chose clochait, mais elle ne savait pas quoi. Un nouveau membre allait arriver dans la famille. Un enfant. Akin était devenu complètement fou de joie, et il passait la majeure partie de son temps avec sa compagne. Târâ n'avait pas encore eu l'occasion de se retrouver seule avec lui, pourtant, elle attendait ce moment. Il fallait qu'ils se parlent...

La situation n'était-elle pas un peu étrange? Elle n'y avait pas vraiment réfléchi auparavant. Elle était tellement amoureuse qu'elle n'avait voulu qu'une chose, qu'il prenne soin d'elle, qu'il la touche et l'embrasse. C'était lui qui lui avait tout appris en amour, et il lui avait assuré qu'aimer deux femmes était tout à fait possible et normal... Elle ne voulait pas y penser, mais cela la tracassait. L'arrivée de l'enfant lui faisait voir les choses sous un angle différent, mais la vérité avait du mal à se dévoiler, car la jeune femme se doutait qu'elle pouvait faire mal...


Tandis que ses doigts couraient sur le clavier, Akin et Kâli dansaient justement dans son dos. Elle ne les avait pas vus entrer, mais elle sentait les vibrations sur le sol, et parfois le son de leur voix. Des mots doux, des rires, tout ce qu'un couple pouvait échanger.

"J'aimerais avoir une fille! lança Kâli à un moment.
-Pourquoi pas? Moi, je suis juste heureux de savoir que nous allons avoir un bébé!
-Qu'est-ce que tu en penses Târâ? Tu aimerais être la tante d'une petite fille?
-Hein?"

Elle s'arrêta subitement de jouer, perdue dans ses pensées.

"Euh... Oui, oui bien sûr. Excusez-moi, je viens de me rappeler quelque chose..."

Elle quitta la pièce sous leurs yeux étonnés, et monta dans sa chambre. Elle jeta un regard derrière elle, et contempla l'expression de Akin, qui semblait si naturelle. S'il lui avait menti, il jouait pourtant parfaitement la comédie.


Elle se regarda un moment dans le miroir qu'on lui avait installé dans sa chambre. Elle était seule à présent, elle n'avait plus personne avec qui partager ses longues nuits... Même si en contrepartie, elle pouvait s'isoler pour réfléchir en paix. Et seuls les esprits savaient combien elle en avait besoin en ce moment... D'abord pour rêver tranquillement d'Akin, et maintenant, pour remettre de l'ordre dans sa tête.

Se pouvait-il qu'il lui ait menti? Mais dans quel but? Est-ce qu'il... ne l'aimait pas? Cette pensée lui tordait le coeur, mais c'était une éventualité qui était en train de se dessiner. Après tout, c'était possible... Mais elle ne comprenait pas pourquoi, et le seul moyen d'y voir plus clair était de lui en parler. Pourtant, même s'il ne semblait pas l'éviter, il ne lui avait pas proposé de la retrouver depuis quelques jours. Il était trop occupé avec Kâli et le bébé, qui n'était d'ailleurs même pas encore. Qu'en serait-il lorsqu'il serait né? Allait-il l'abandonner définitivement...?


Elle resta assise à son bureau durant presque toute la nuit, sans parvenir à prendre une décision ou à y voir plus clair. Elle ne comprenait tout simplement pas, et après tout, c'était normal... Elle ne possédait aucune clé en mains pour savoir ce qui était normal ou pas.

Personne ne lui avait fait son éducation sexuelle, personne ne lui avait dit ce qui était normal en amour ou pas. Tout ce qu'elle savait, et qu'elle tenait pour acquis, c'était Akin qui le lui avait dit. N'était-ce pas... un étrange hasard qui l'arrangeait bien? Elle l'avait cru. Oui, elle avait vraiment pensé qu'il se souciait d'elle en ne lui cachant rien. Mais à présent, elle doutait...

N'était-elle pas idiote de vouloir lui en parler? S'il avait menti, rien ne l'empêcherait de recommencer une seconde fois! A qui pouvait-elle se confier... Elle ne voyait qu'une personne à qui poser toutes ces questions: Kâli. Mais ce ne serait pas facile...


Kâli dut changer de robe pour ne pas se sentir trop à l'étroit. Son corps se transformait sous les yeux de son compagnon, ravi de bientôt devenir père. Il ne cachait pas sa joie, il avait toujours voulu fonder une famille avec Kâli, et il ne le lui avait jamais caché.

"Je t'avais bien dit que je ne tarderai pas à te combler, soupira-t-elle après un baiser.
-Tu m'as toujours comblé, ne dis pas de sottises!
-Vraiment?
-J'avais parfois l'impression... que tu étais ailleurs.
-Tu as dû rêver. Tu es la femme de ma vie, je n'aimerais jamais que toi... répondit-il tout bas.
-J'y compte bien!"


Târâ se sentait mal. Dans quelques heures, elle allait connaître la vérité. C'était un stress qu'elle n'avait jamais connu, et qui avait atteint un tel degré qu'elle sentait des gouttes de sueur perler sur son front, ses tempes, ses joues. Elle transpirait plus que d'habitude, elle avait peur. Elle essayait de jouer pour se calmer, mais pour la première fois depuis longtemps, elle se rendit compte qu'elle faisait quelques fausses notes.

Cet événement la terrifia. Des fausses notes... Comment était-ce possible! Elle qui avait toujours si bien joué... Elle sentit la migraine la prendre soudainement, et elle avala d'un seul coup son petit flacon caché dans un des plis de son vêtement. Elle devait paraître sereine devant sa soeur. Elle ne voulait pas l'inquiéter, elle ne voulait pas qu'elle se doute de quelque chose...

Surtout pas. Kâli ne devait surtout pas savoir. Jamais.


Akin avait du mal à lâcher Kâli. Il savait qu'elle avait rendez-vous avec sa soeur, mais il ne se faisait pas tellement de soucis. Que pouvait-il se passer de fâcheux? Il était certain de Târâ n'avouerait jamais rien à sa soeur.

"Alors mon petit? Il a l'air d'être en bonne santé!
-Oui, tout va bien Akin! Allez, tu sais bien que je vais être en retard si tu me retiens encore!
-Pourquoi faut-il que tu me laisses? pleurnicha-t-il sans aucun remord.
-Târâ est ma soeur! On a bien le droit de se retrouver toutes les deux de temps en temps. Et ça fait un moment justement... Elle a besoin d'être rassurée, tout cela l'inquiète. Elle m'a dit qu'elle avait des choses très importantes à me dire, je ne peux pas la laisser.
-Des choses très importantes?"

Akin avait dressé l'oreille, en alerte. De quoi pouvait-il bien s'agir...?

"Tu es sûre que ça va aller?
-Mais oui! Allez, à tout à l'heure!"


Kâli enlaça sa soeur lorsqu'elle arriva dans le petit parc boisé du village.

"Ça va? lui demanda-t-elle. Tu m'as l'air un peu fatiguée en ce moment. Tes migraines ne sont quand même pas revenues?
-Non... Non, tout va bien ne t'inquiète pas. Je voulais... Je voulais te parler de quelque chose...
-Oui? Qu'est-ce que c'est?"

Târâ se mordit les lèvres, elle ne savait pas comment aborder le sujet, qui s'avérait bien plus gênant que prévu. Sa grande soeur lui prit la main pour l'encourager, compréhensive.

"Je me demandais... Tu sais, quand on s'aime..."

C'est donc cela, pensa Kâli. Elle commence à se poser des questions sur l'amour... Je me demandais si ça allait l'intéresser. Peut-être est-elle tombée amoureuse de quelqu'un...?


"Qu'est-ce c'est, d'aimer?
-Oh, et bien... C'est difficile à expliquer tu sais. Quand on est avec la personne qu'on aime... On a le coeur qui bat plus vite, mais aussi plus fort. Mais ce n'est pas désagréable, bien au contraire. On se sent bien avec celui qu'on aime, on aimerait pouvoir passer tout son temps en sa compagnie. On a envie... de partager des moments spéciaux avec cette personne.
-De... de s'embrasser?
-Oui, par exemple. Parfois, on a des papillons dans le ventre, des étoiles dans les yeux...
-C'est comme si on avait croqué une fraise à pleines dents, à la fois acide et sucré... poursuivit Târâ si bas qu'on l'entendit à peine."

Kâli sentit un sourire naître sur son visage. Elle avait touché juste, sa petite soeur était tombée amoureuse.

"Oui, c'est ça, acquiesça-t-elle."


Elle passa une main autour de sa taille, et Târâ posa la sienne sur son épaule. Elle se tournèrent vers un bras mort du fleuve, et le contemplèrent, avant que la plus jeune des deux femmes ne continue ses questions.

"Et tu crois que... tu crois que c'est possible, d'aimer deux personnes à la fois?
-Aimer deux personnes...?"

Kâli lui jeta un regard interrogateur, mais Târâ ne la regardait pas. Elle se contentait de regarder fixement l'horizon. Kâli secoua la tête.

"C'est compliqué comme question. Je ne sais pas vraiment, à vrai dire, je n'ai aimé que Akin... Mais si tu tiens vraiment à savoir ce que je pense, et bien je vais te le dire. Selon moi, oui, tu peux aimer deux personnes à la fois, mais... mais tu ne peux pas vivre avec ces deux personnes. Au village, on ne peut s'unir qu'avec une personne à la fois. La polygamie n'est pas autorisée.
-La polygamie?
-S'unir avec plusieurs femmes, ou plusieurs hommes.
-Mais on n'est plus obligé de s'unir.
-Certes, mais ce n'est pas très loyal envers ceux que tu aimes... Tu comprends ce que je veux dire? Je n'aimerais pas que Akin aille voir ailleurs, ça ne se fait pas. Ce n'est pas respectueux. Quand on aime quelqu'un, on a envie de l'avoir rien que pour nous, de posséder cette personne entièrement... C'est normal après tout."


Târâ n'avait pas bougé d'un pouce. Elle écoutait sa soeur lui parler, et lui expliquer que la spécificité de l'espèce humaine était de ne partager la vie que d'une seule personne. Que si certains se vantaient d'aimer deux personnes, il fallait pourtant choisir entre les deux, par respect pour chacun de ces humains, de ces hommes, de ces femmes, que la jalousie pouvait dévorer.

La jeune femme essayait de garder son calme, de contrôler sa respiration et les battements de son coeur, mais c'était difficile, sachant ce qui était en train de se passer en elle. Quelque chose qui approchait de l'ouragan. Quand, enfin, Kâli eut terminé, elle la remercia et lui sourit.

"Merci Kâli...
-Tu sais que tu peux compter sur moi pour n'importe quoi, lui dit-elle."

Elle lui adressa aussi un sourire en retour, attendant peut-être que sa soeur lui explique le pourquoi de ces questions, mais rien ne vint.


Quand elle se retrouva seule, Târâ se laissa tomber à genoux sur le sol.

Elle tremblait. Elle avait mal à la tête, elle n'avait jamais eu aussi mal. Mais elle ne souffrait pas qu'à cet endroit. Elle avait mal au coeur. Terriblement. Et toujours ce sentiment d'incompréhension.

Des mensonges... Tout cela n'avait-il été que des mensonges depuis le début? Mais peut-être y avait-il une explication à cela... Peut-être que Akin n'avait pas su choisir. Mais Târâ lui avait laissé le choix... Elle lui avait demandé si ce qu'ils faisaient était mal. Plusieurs fois, elle lui avait posé la question. Il avait insisté en lui disant que tout était normal. Elle ne comprenait pas... Il s'était servi d'elle? Mais pourquoi?

Dans quel cas de figure pouvait-on avoir envie d'avoir des relations avec une femme pour qui l'on n'avait pas de sentiments? Encore une question qu'elle aurait du poser à sa soeur... Non, impossible. La question était beaucoup trop précise...


La douleur dans sa tête ne se calmait pas, aussi ferma-t-elle les yeux pour tenter de la contrôler. Et dire qu'elle avait bu son médicament juste avant de venir... Elle n'en avait plus une seule goutte sur elle. Elle ne pouvait s'empêcher de pleurer. Sa vie avait été si belle jusque là, ces derniers jours avaient été les plus beaux qu'elle avait jamais vécus. Peut-être trop beaux pour durer, justement...

Alors qu'elle se lamentait sur son sort, des images apparurent dans sa tête.

Une femme... Une jeune femme était assise dans une salle sombre et petite. Elle était attachée, on l'avait solidement ligotée pour qu'elle ne puisse pas s'enfuir. D'après la luminosité de la pièce, il faisait nuit. Depuis combien de temps la jeune femme était là? Quelques heures, plusieurs jours? C'était impossible à savoir. Mais elle était sale, et surtout, blessée. Il y avait du sang par terre, et ses poignets étaient lacérés. Qui était-elle? Que faisait-elle là? Elle semblait n'avoir pas mangé ni bu à satiété depuis un moment. Mais l'attention de Târâ pour ces images qui l'assaillaient s'éloigna petit à petit de la femme inconnue, pour se porter sur le sang qui la tachait et traînait au sol. Du sang... du sang... Le sang de la mort.


La jeune femme se releva brutalement, et sécha ses larmes. Elle secoua la tête, comme pour chasser ces visions. Elle décida de rentrer à la maison, l'air de ne plus y penser. Après tout... ce n'était pas la première fois que de telles images s'imposaient à elle. Elle avait déjà vu cette femme... Mais c'était impossible, elle avait vécu il y a bien des années de cela, peut-être même des décennies. Peu importait. Parfois, quand elle la voyait, elle entendait aussi des voix. Elle n'avait jamais su à quoi cela correspondait, mais si elle parlait de ces voix dans sa tête...

On allait continuer de la prendre pour une folle. Et ça, elle ne le voulait surtout pas. Elle se dépêcha de rentrer, et fila directement dans sa chambre, où elle s'enferma pour le reste de la journée.


Ika s'était rendue dans la nouvelle maison de Kairos. Elle n'avait pas pu attendre plus longtemps avant de le voir, et elle tenait à vérifier qu'ils avaient tout ce dont on pouvait avoir besoin. Aussi apporta-t-elle de grands sacs de courses, avec des légumes de leur potager, des récipients d'eau fraîche, et quelques friandises pour le petit Cosmos.

"Maman! Je me disais bien qu'on allait avoir ta visite dans peu de temps!
-Excuse-moi, je ne veux pas déjà vous déranger...
-Mais non, mais non entre donc! Je vais te faire visiter la maison, tu vas voir elle est parfaite! On a même un peu trop d'espace tu vois, mais c'est parfait. J'ai mon espace pour les affaires du village, et le petit a sa propre chambre. Lily n'est pas là, elle est partie chez le bouquiniste."


Cosmos jouait tranquillement dans la cours arrière de la maison, et un grand sourire illumina son visage lorsqu'il vit sa grand-mère.

"Mamie! Mamie!
-Oh mon chéri! Mais comme tu as déjà bien grandi, c'est fou ça! Tu es magnifique mon poussin, vraiment! Comment tu vas? Tu es content de ta nouvelle maison?
-Oui! J'ai des nouveaux jouets mamie!
-Oh mais c'est super ça, il va falloir me les montrer! Dis-moi par où se trouve ta chambre, comme ça tu pourras me la montrer.
-J'ai une grande chambre! Je dors tout seul, comme un grand.
-Eh bien ça ne m'étonne pas de toi, tu sais!"


Lorsque le dîner fut terminé, tout le monde regagna ses appartements privés, sauf Târâ qui n'était même pas descendue manger. Cela n'avait pas beaucoup inquiété Kâli, qui pensait, en jeune femme nouvellement amoureuse, qu'elle avait besoin d'être un peu seule pour apprendre à connaître ses nouveaux sentiments.

"Alors... Qu'est-ce qu'elle te voulait, ta soeur? demanda Akin.
-Oh, rien de très grave... Je crois qu'elle est amoureuse, et elle se posait des questions, tout simplement. Elle avait besoin de quelqu'un avec qui en parler.
-Des questions...?
-Oui tu sais, les questions banales. Qu'est-ce que ça fait d'être amoureuse, comment ça se passe, est-ce qu'on peut aimer deux personnes à la fois... J'espère qu'elle trouvera quelqu'un de gentil, soupira-t-elle. Ça lui ferait du bien."


Cette nuit-là, Akin se glissa doucement hors du lit conjugal, pour se rendre dans la chambre de Târâ. Lorsqu'il entra, il referma doucement derrière lui, car elle était encore endormie. Il apercevait à peine son visage enfoui sous les draps. De quoi pouvait-elle bien rêver? Son visage n'avait pas l'air très détendu, aussi en conclut-il que ce ne devait pas être un rêve agréable...

Mais qu'avait-elle eu en tête lorsqu'elle avait posé toutes ces questions à sa soeur? Le jeune homme semblait un peu inquiet. Il avait pensé contenir les peurs de la jeune femme et contrôler ses paroles, mais c'était beaucoup plus difficile à faire qu'à penser.

Il s'approcha du lit et l'appela à voix basse, pour ne réveiller personne.


"Târâ... Târâ...!
-A... Akin?!"

Târâ se redressa subitement dans son lit en lui jetant un regard à la fois affolé et mal réveillé. Son premier réflexe fut de regarder par la fenêtre pour voir si le jour s'était levé, mais elle se rendit compte qu'il faisait encore nuit.

"Qu'est-ce que... qu'es-ce que tu fais là?
-Il faut qu'on parle. Qu'est-ce qui t'a pris d'aller d'aller parler à ta soeur comme ça? Je croyais qu'on était d'accord, il ne faut rien lui dire...
-Ce... ce n'est pas ma faute! C'est toi qui m'as menti!
-Moi je t'ai menti? Et qu'est-ce que j'ai bien pu dire pour t'avoir menti?
-Tu... tu as dit que... qu'on pouvait aimer deux femmes à la fois!"


Akin leva les yeux au ciel et il l'attira contre lui.

"N... Non, je ne veux pas, je ne veux pas Akin! fit-elle en essayant faiblement de le repousser.
-J'ai dit que je t'aimais, c'est ça le mensonge? continua-t-il sans lui prêter attention. Ce n'est pas un mensonge Târâ, je t'aime vraiment.
-Mais..."

Il lui coupa la parole et l'embrassa passionnément. La jeune femme poussa un soupir et le laissa faire. Ces lèvres dont elle avait rêvé tant de fois... Elle sentait peu à peu sa résistance s'évaporer. Dire qu'elle avait prévu de ne pas se laisser faire, et de lui dire tout ce qu'elle avait sur le coeur... Mais comment se défendre, comment s'opposer à un homme qu'on aimait de toutes ses forces? Elle avait l'impression qu'elle n'y arriverait jamais. Mais elle ne pouvait pas... Elle devait penser à Kâli, à sa soeur qui lui faisait confiance.


Elle se dégagea des bras musclés qui l'enlaçaient, mais Akin en profita pour la pousser sur le lit et la prendre dans ses bras. Elle ferma les yeux tout en sentant sa gorge se nouer.

"Tu... tu m'avais dit... qu'aimer deux femmes à la fois, c'était normal... Je sais que ce n'est pas vrai! Je le sais, inutile de me mentir Akin!
-D'accord, peut-être que je n'ai pas dit exactement ce qu'il fallait... Et alors? Ça fait de moi un homme anormal? Et toi, les gens te considèrent comme une fille normale peut-être? Non! Résultat, on te met à l'écart, on parle dans ton dos et on te regarde bizarrement. J'ai pas envie que ça m'arrive à moi aussi."

Târâ ouvrit la bouche pour parler, mais elle ne sut que lui répondre. Comment osait-il comparer la situation à ce qu'elle avait vécu durant son enfance et son adolescence...? Et puis, cela n'avait rien à voir!


Ses lèvres tremblèrent à nouveau. Elle avait envie de se dégager de son étreinte, de partir, de le mettre à la porte de sa chambre, mais elle n'arrivait pas à se décider, tandis qu'il déposait des baisers un peu partout sur son corps, et qu'il commençait à lui retirer ses vêtements. Quand il posa ses mains sur elle, sur sa poitrine, sur son ventre, elle se mit à pleurer silencieusement. Et elle se rendit compte qu'il essayait de ne pas y prêter attention, il se contentait de faire comme d'habitude, en fait: essayer de lui procurer un peu de plaisir avant de passer aux choses sérieuses.

La jeune femme ferma les yeux. Elle avait l'impression qu'il s'était servi d'elle uniquement pour son bon plaisir... Même si elle ne s'expliquait pas son sérieux lorsqu'il lui disait l'aimer. Mais à cause de lui, elle allait faire souffrir sa soeur. Elle en était certaine. Il lui avait menti, et par sa faute, Kâli allait souffrir le martyr... Une colère s'insinuait en elle et grondait silencieusement pour l'instant. Mais la vengeance était un plat qui se mangeait froid.

Târâ sentit son corps se cambrer sous celui d'Akin. Elle entrouvrit les lèvres et se laissa aller une dernière fois contre lui. Rien qu'une dernière fois, elle ne demandait rien de plus qu'une dernière nuit en sa compagnie, une dernière fois dans le creux de ses bras...


2 commentaires:

  1. Bon, maintenant pour moi Akin n'est plus qu'une ordure qui se sert de Târâ. Je pense pas qu'il ait de réels sentiments pour elle... Cet homme est trop complexe à comprendre ><
    Sinon, la vision de Târâ est énigmatique, dis donc... :3

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    1. Une nouvelle vision qui vient s'ajouter aux précédentes! :D

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