Episode 22: Un indice

"Je ne me sens pas très bien, tout à coup..."

Sacha sentait sa tête tourner depuis plusieurs minutes, mais il pensait que cela passerait. Ce ne fut pourtant pas le cas, et malgré sa volonté à vouloir garder les pieds sur terre, il sentit ses jambes se dérober sous son poids. Clémence, qui pêchait en sa compagnie, se rua dans sa direction:

"Sacha!!"

En touchant son front, elle se rendit compte qu'il était brûlant, et elle se hâta de l'arroser d'eau fraîche. L'été battait son plein, et l'âge n'aidait pas Sacha à supporter ces températures...

Kiyo appréciait ces vagues de chaleur, et s'y promenait avec beaucoup plus de plaisir que son père. Elle avait les mêmes facilités à s'acclimater que sa mère, malgré les écailles qui recouvraient ses jambes. Même s'il faut bien dire qu'elle n'avait pas à rester dehors en plein soleil, et que la température diminuait sensiblement au coucher du soleil...

"Alors, tu ne veux toujours pas venir te promener avec moi?
-Je ne peux pas Kiyo, maman dit que je vais tomber malade sinon...
-Elle exagère, il fait chaud aujourd'hui..."

Kiyo essayait toujours de convaincre sa petite soeur Luna de partir à l'aventure avec elle, mais sa cadette refusait à chaque fois, par peur de voir les craintes de leur mère se réaliser.

Elle se retrouvait donc seule chaque nuit, parfois sous la pluie douce et tiède de l'été, avec pour seule compagnie la lune qui brillait de mille feux.

Kiyo continuait de ramasser différents objets qu'elle ramenait à la maison, pour compléter ses collections et décorer sa chambre. Parfois, elle soupirait d'ennui: comme elle aurait aimé que Luna puisse venir avec elle! Elle ne comprenait pas que l'on puisse être aussi inquiet pour une simple sortie à l'extérieur...

Les fleurs et les lucioles étaient ce qu'elle préférait contempler et attraper. Les fleurs sentaient si bons, et la lumière des lucioles l'émerveillait. Qu'y-avait-il de plus beau que cette nature qui l'entourait? Il fallait absolument qu'elle montre tout cela à Luna, on n'avait pas idée de manquer un spectacle pareil...

"Hop! Attrapées! Vous serez superbes dans la chambre..."

Pendant ce temps-là, Luna s'était déjà couchée dans son lit. C'était la première fois qu'elle se glissait dans ses draps avant trois heures du matin, mais il y avait une bonne raison à cela: peu de temps après que Kiyo soit partie, elle avait commencé à se sentir pâle et faible, et la fièvre l'avait petit à petit enveloppée.

Clémence l'avait immédiatement mise au lit, en espérant que la fièvre tombe rapidement. Elle avait pourtant fait attention à son alimentation, et comme personne d'autre ne semblait souffrir de montées de chaleur, il n'y avait plus qu'à prier pour Luna.

Loin des inquiétudes familiales, Kiyo s'arrêta un instant devant un drôle de monticule de terre, qu'elle n'avait jamais vu auparavant. Elle s'en approcha doucement pour l'examiner, l'air perplexe.

"Je n'avais jamais vu ça auparavant... On dirait une sorte de nid. Peut-être qu'il y a des bêtes sauvages dans le coin?"

Elle jeta un oeil à droite, puis à gauche, mais n'aperçut rien de satisfaisant. Elle retournerait ici un autre jour, la bête ne devait pas être loin!

Kiyo ne pouvait pas passer ses longues nuits à s'amuser, elle devait aussi penser à se nourrir. Refusant toujours toute nourriture animale, elle devait plonger sans relâche pour récolter des feuilles de varech fraîches. Elle aimait beaucoup nager au milieu des requins et autres poissons, mais elle préférait tout de même courir sur la terre ferme, plutôt que de devoir onduler sans cesse pour avancer sous l'eau.

Luna se sentait un peu mieux, et avait eu la permission de se lever. Sa mère était restée à son chevet toute la nuit, et, rassurée, partit se coucher assez rapidement. La fillette s'empara alors d'un ours en peluche, qu'elle serra dans ses bras.

"Mon nounours adoré... Toi au moins, tu ne me laisses pas toute seule! Je suis malade, et il n'y a personne pour jouer avec moi et me remonter le moral, c'est pas juste..."

Kiyo n'était en effet toujours pas rentrée, et ne savait rien de la fièvre qui s'était emparée de sa petite soeur. Luna se posta à la fenêtre, et regarda les étoiles et la pluie qui tombait finement sur la plage. Comme elle avait elle aussi envie de courir dehors... Mais c'était impossible. Elle serait certainement tombée encore plus malade si elle avait été jouer en compagnie de Kiyo.

La seule chose qu'elle était autorisée à faire, c'était attendre son retour. Attendre, encore et encore.

Mais elle en avait marre d'attendre, et elle descendit dans la cuisine, attrapa l'un des livres de sa mère, et se mit à le lire à nouveau. Elle aimait particulièrement le chapitre où Clémence parlait de la civilisation, de tous les bâtiments que l'on pouvait y rencontrer, cela semblait formidable.

Luna aimait lire et relire ces chapitres, et rêvait parfois qu'elle se trouvait elle aussi à Sunset Valley ou Aurora Skies, la vie là-bas lui donnait plus qu'envie de sortir de chez elle.

Puis Kiyo rentra enfin, et lorsque Luna lui demande de jouer, elle la repoussa tout d'abord:

"Il faut d'abord que je continue un peu mon livre, tu comprends?
-Oh... Mais j'étais malade toute la nuit, tu pourrais me faire plaisir!
-Après! Tu veux pas m'aider d'abord?
-Bon, d'accord... Mais après, tu joues avec moi!
-Oui, je te le promets!"

Mais la nuit avait été tellement chargée pour Kiyo, que le soleil s'était déjà levé lorsqu'elle cessa d'écrire, et Clémence était déjà descendue dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner.

"Qu'est-ce qui vous ferait plaisir les filles?
-Ne te préoccupe pas de moi maman, du varech m'ira très bien!
-Oh, moi j'aimerais des crêpes maman!
-Très bien, tu auras des crêpes. Tu as l'air d'aller beaucoup mieux on dirait, me voilà rassurée!"

Les occupations de Sacha se réduisaient petit à petit au ménage et au jardinage, il ne s'attardaient dans les océans plus que pour pêcher et récolter assez de varech pour se nourrir. Il n'avait plus la fougue de sa jeunesse qui le conduisait aux quatre coins de la mer, et préférait passer ses jours en paix auprès de ses filles et de Clémence.

Il s'était habitué plus vite qu'il ne le pensait à sa vie sur terre, et pour rien au monde il ne l'aurait échangée contre une vie normale sous l'eau.

Fatigués par les tâches ménagères, les deux amoureux passaient parfois leurs après-midi étendus sur une serviette, pour profiter des rayons du soleil. Ils prenaient toutefois garde aux heures les plus chaudes, pour éviter une quelconque insolation. Sacha devait en plus s'hydrater toutes les heures pour ne pas cuir, mais c'était en somme une activité très reposante et parfaite pour leur âge.

Comme Kiyo et Luna dormaient, ils n'avaient pas à s'inquiéter pour elles.

La santé de Luna ne s'aggravait pas, mais elle ne s'améliorait pas non plus. Des poussées de fièvre la maintenait parfois plusieurs jours au lit, mais elle finissait toujours par tomber, et la fillette se levait avec une faim de tigre.

"J'ai faim maman! A table!
-Oui voilà, ton petit-déjeuner! Mange, il faut que tu reprennes des forces... N'oublie pas non plus de boire, il fait chaud, c'est important."

Parfois, Clémence venait s'asseoir face à la mer, et face à l'épave du bateau qui l'avait amenée ici, et elle restait songeuse durant de longues minutes.

"Tu regrettes?" lui demandait Sacha.
"D'être restée ici? Non, pas du tout... Je trouve notre vie fantastique. On a réussi à fonder une maison, une famille... Même si parfois, mes parents me manquent. Mais j'imagine qu'ils ne doivent plus être en vie à l'heure qu'il est. Le plus dur, c'est de ne pas avoir pu leur dire que leur fille unique était en vie... Et dire que je ne saurai probablement jamais ce qu'il y avait sur ce bateau."

Kiyo avait ouvert une petite enquête à propos des nids de terre qu'on trouvait un peu partout sur la partie nord de l'île. Elle tomba ce soir-là sur un chinchilla, et lui jeta un regard:

"Ce n'est quand même pas toi qui fais tous ces nids! Non, tu es bien trop petit... C'est étrange tout de même. Mais je saurai à qui appartient ces monticules de terre!"

Le soleil se couchait, et il teinta le ciel d'une belle couleur rosée. Kiyo avait beau guetter derrière un buisson, il n'y avait pas une seule trace de vie animale hormis le chinchilla.

"Tant pis, je reviendrai encore demain... Je l'aurai un jour, je l'aurai!"

Elle resta alors auprès de la maison, en compagnie de Luna qui s'ennuyait.

"Kiyo? Tu n'es pas dehors?
-Non, je vais jouer avec toi!
-Oh, c'est vrai? Super!! A quoi on joue alors??
-On fait une bataille d'eau?
-Tu crois que maman appréciera?
-Il fait chaud, il n'y a pas de raison à s'y opposer!"

Les deux soeurs s'avancèrent donc près de la mer, et l'eau commença à gicler dans tous les sens, bien que Kiyo soit la plus forte!

C'était une bonne soirée, une soirée dont on devait profiter, avant qu'il ne soit trop tard...