2.8.16

Episode 147: Désolation


Le moment de la journée qui était le plus dur, c'était le matin, quand Vitae devait se lever pour la première fois.

Après toute une nuit allongée, il devenait de plus en plus difficile de se redresser. Elle n'avait cependant pas le choix: avec sa petite fille qui l'appelait, elle devait trouver la force d'y aller. Et de préférence, en feignant que tout allait bien.

"Bonjour Félicité, tu as bien dormi?
-J'ai faim maman!"


Cela faisait un moment que la jeune femme n'avait plus de lait à proposer à sa fille. Pourtant un matin, elle avait trouvé des briques de lait dans le frigo, ainsi qu'un biberon.

Cela renforçait l'aspect mystique de Mermaidia, parce qu'elle était persuadée que personne d'autre ne se trouvait ici.

Comment cela se faisait-il alors que sitôt qu'elle désirait quelque chose, il se trouvait à sa portée? Elle n'avait pas d'explications. Juste une intuition.


"Maman va aller se reposer, dit-elle en posant sa fille à terre. Tu seras sage d'accord?"

Elle lui embrassa le front, lui donna son biberon et retourna s'allonger sur son propre lit, un livre à la main.

Elle regrettait de ne pouvoir passer plus de temps en compagnie de son enfant, mais pouvaient-elles bien faire, alors qu'elle était incapable de rester debout plus longtemps que quelques minutes?


Félicité s'en contentait. Elle grandissait avec les absences répétées de sa mère, mais ne se plaignait jamais.

Un jour, elle avait réussi à ouvrir le vieux coffre à jouets tout rouillé qui se trouvait dans sa chambre, et y avait trouvé un ours en peluche. Depuis, elle ne le quittait jamais.

C'était lui qui était devenu son ami, et elle aimait imaginer qu'il leur arrivait tout un tas de folles aventures.


Vitae se tourna, et tenta de rabattre la couverture sur ses épaules. Elle avait froid, parfois, elle grelottait même, alors que la température ambiante était tout à fait normale.

Elle commençait à penser qu'elle ne retrouverait jamais la santé, et qu'elle serait clouée au lit pendant encore des années.

Elle ferma les yeux et soupira. Elle ne savait pas à quel point ses pensées se rapprochaient de la réalité.


Félicité était souvent obligée de pleurer et de crier pour la réveiller. Elle n'avait jamais le sommeil profond, mais cela ne l'empêchait pas de s'endormir dès qu'elle le pouvait.

Alors la fillette appelait de toutes ses forces, jusqu'à ce qu'elle voit sa mère se traîner jusqu'à elle.

Ce n'était jamais un spectacle plaisant, et Vitae redoutait de ne plus pouvoir se lever un jour.


La seule chose qui lui faisait vraiment du bien, c'était le bain. Elle ne savait pas exactement ce qu'étaient les sels et les bains moussants qui coulaient par les différents robinets, mais ils sentaient bon.

Leur odeur n'était pas seulement agréable, elle la détendait, et elle sentait son corps devenir moins douloureux après chaque bain.


Alors, elle se baignait chaque matin, mais aussi chaque soir pour affronter la dure journée qui s'annonçait.

Où était partie sa vigueur? Elle qui était prête à courir partout lorsqu'elle était jeune, se retrouvait aussi fragile qu'une fleur.

Elle ne retrouverait jamais sa force, elle le savait.


Tout ce qu'elle pouvait encore faire, c'était essayer de s'occuper de sa fille du mieux qu'elle le pouvait, au moins jusqu'à ce que Félicité puisse être autonome.

Pour le moment, c'était impossible: elle savait à peine marcher, et un peu parler.

Elle devait encore prendre soin d'elle, la changer et la baigner quand c'était nécessaire.


Ce qu'elle aimait par dessus tout, c'était lui chanter quelques chansons. La musique lui permettait de travailler et de réguler son souffle.

Les jours de pluie, il n'était donc pas rare de les entendre chanter toutes les deux tout l'après-midi.

"Maman, chante moi la chanson des sirènes encore une fois!"

C'était la préférée de Félicité, qui ne cessait d'admirer les statues marines.


Quand elle n'avait pas trop mal dormi la nuit, Vitae emmenait sa fille à l'extérieur du château.

Rien ne valait la lumière du jour, et le bruit des vagues. La fillette adorait ces sorties, même si elles ne pouvaient pas aller se promener autant qu'elle l'aurait voulu.

"Pourquoi on ne peut pas rester encore maman?
-Parce que je suis fatiguée."

C'était toujours la même réponse, et elle avait cessé de demander pourquoi.


Au début, la jeune femme avait même insisté pour manger avec sa fille, dans une petite chaise qu'elle avait trouvée dans un placard.

Mais à présent, c'était un principe qu'elle ne pouvait plus tenir, car il devenait plus difficile de descendre l'enfant. Les escaliers lui faisaient peur, une mauvaise chute, et une catastrophe pouvait vite arriver.

Alors elle se contentait de manger seule à la cuisine.


Ses nuits continuaient d'être agitées. Elle avait l'impression que le cycle de son sommeil se calquait sur le cycle de la lune.

Quand la lune était noire, elle dormait très mal. Mais plus la lune s'arrondissait, et mieux elle se sentait.

Sans doute était-ce le fruit de son imagination. La fatigue pouvait lui faire croire beaucoup de choses.


"Voici ton biberon ma chérie..."

Vitae se baissa à la hauteur de la petite fille, grimaçant à cause d'un mal de dos.

"Merci maman! Je peux jouer après?
-Oui un petit peu. Moi, je vais devoir faire un peu de ménage, donc tu seras sage d'accord?
-Promis!"


Félicité avait réussi à trouver son équilibre, et elle arrivait à marcher sans l'aide de personne.

De nouvelles perspectives s'ouvraient à présent à elle, et elle avait hâte de pouvoir explorer chacune des pièces de la maison.

Les escaliers ne l'effrayaient pas, et elle les descendit afin de découvrir les salles du rez-de-chaussée.


Le temps passa ainsi à Mermaidia. La pluie venait parfois leur tenir compagnie, mais le soleil n'était jamais loin.

Quand sa mère dormait, Félicité partait à l'aventure, et commençait à connaître chacun des recoins du château.

Elle arrivait à se hisser sur la pointe des pieds et à regarder dehors, et elle se promit qu'un jour, elle irait visiter les autres demeures.


Elle aimait aussi beaucoup admirer le lit une place qui se trouvait en face de son berceau. Sa mère lui avait assuré que quand elle serait assez grande, elle pourrait y dormir.

Elle avait hâte de quitter son petit lit pour celui-ci, beaucoup plus grand.

Alors pour l'instant, elle se contentait d'essayer de grimper dessus, et elle se cachait sous les couvertures.


L'état de Vitae empirait de jour en jour, et cela la désolait, parce qu'elle ne pouvait pas passer autant de temps avec sa fille qu'elle l'aurait voulu.

Elle avait des vertiges, et la tête qui tournait. Dans ces cas-là, elle savait qu'il ne servait à rien de résister.

Elle ne voulait pas inquiéter Félicité, et de toute façon, elle voulait aussi éviter tout accident.


"Maman va encore se reposer? demandait-elle de sa petite voix.
-Oui, c'est ça. Est-ce que tu veux faire la sieste avec moi?
-Oh non, je suis en pleine forme!
-D'accord, alors amuse-toi bien..."

La fillette lui faisait signe de la main, sans se douter de l'état de santé de sa maman.

2 commentaires:

  1. Hé bah, Vitae est dans un sale état ! Un jour, je crains que Félicité se retrouve sans maman... en tout cas, encore heureux que cette petite soit un ange et sache s'occuper toute seule sans trop en souffrir, sinon la pauvre Vitae serait encore plus mal-en-point

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    1. c'est possible que ça arrive, mais qui sait!

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