25.12.15

Episode 80: Huis clos, seconde partie


Târâ était plus nostalgique que jamais. Cela faisait des jours qu'elle et Kâli étaient restée enfermée à la maison, elle n'avait plus aucune envie de sortir. Le village avait mis cela sur le compte du choc et de la tristesse de Kâli quant au bébé, mais les deux jeunes femmes savaient bien qu'il n'y avait pas que ça. Il y avait des choses à régler, des choses à se dire, il fallait vider son coeur si on voulait que la vie continue... Même si elles savaient pertinemment que plus rien ne serait comme avant, et c'était bien ce qui rendait Târâ mélancolique.

Kâli entra dans la pièce, et la jeune femme se releva. Elle s'étira, et posa la main sur son ventre.

"Tout va bien? demanda Kâli.
-Oui, oui je crois que ça va..."

Malgré sa grande peine, la  guérisseuse faisait de son mieux pour surveiller la grossesse de sa soeur. Elle n'avait pas envie qu'une autre tragédie vienne s'accumuler aux précédentes, d'autant plus que selon elle, le terme approchait.



"Tu penses que tout ira bien? demanda Târâ.
-Il n'y a pas l'air d'y avoir de problèmes apparents... Tout va bien pour le moment. Tu sens le bébé bouger, n'est-ce pas?
-Oui, j'ai d'ailleurs du mal à trouver le sommeil."

Pour Kâli, il paraissait évident que la naissance de l'enfant allait se dérouler parfaitement. N'était-ce pas ironique que ce soit sa soeur qui réussisse à mener à terme le bébé de Akin...? Alors qu'elle n'avait été qu'une maîtresse, contrairement à elle qui avait été sa compagne. La vie était tellement injuste... Mais elle ne pouvait pas rejeter sa colère sur sa soeur. Elle n'avait jamais voulu lui faire de mal, elle le savait bien. S'il devait bien y avoir un responsable dans cette histoire, c'était Akin... Mais elle ne pourrait jamais passer ses nerfs sur lui. Elle allait donc devoir trouver un autre moyen pour apaiser sa colère


"Je pense vraiment que tu n'as pas à t'inquiéter... Il ne reste plus qu'à patienter.
-J'ai peur, Kâli...
-Peur de quoi? Je serai là, il ne pourra rien t'arriver.
-Mais s'il devait m'arriver quelque chose, est-ce que... tu prendras soin du bébé?
-Ne dis pas de bêtises! Je serai en état de faire n'importe quelle opération.
-Promets-le moi, s'il te plaît!
-D'accord, d'accord si ça peut te rassurer. Je prendrais soin du bébé."

Târâ hocha doucement la tête. Voilà qui était pour le mieux. Et de toute façon, Kâli aurait une bien meilleure maman qu'elle... Elle ne comprenait pas pourquoi on ne lui avait pas permis de garder son enfant, alors qu'elle allait en avoir un. Il y avait des choses que l'on ne pourrait jamais savoir...


Elle posa les mains sur son ventre, et Kâli fit de même, touchant pou la première fois son ventre redevenu plat.

"Kâli... C'est toi qui devrait avoir le ventre rond, pas moi.
-C'est la vie, elle est ainsi faite... On n'y peut rien.
-Mais toi... Tu aurais été une mère fantastique, alors que moi... Je suis déjà la risée du village, que va-t-on penser de cet enfant?
-Ne fais pas attention à tous ces gens. Moi je crois en toi tu sais.
-Je n'ai jamais voulu... Je ne voulais pas cet enfant. Et si je n'arrivais pas à l'aimer? Et puis, on va se demander qui est le père, la disparition d'Akin va inquiéter..."

Kâli soupira. Il y avait tant de problèmes à régler... C'était d'ailleurs étonnant qu'on ne soit pas venu leur rendre visite pour prendre des nouvelles de Akin. Peut-être pensait-on que lui aussi était trop dévasté pour sortir de chez lui?

"A ce propos, Târâ... personne ne doit savoir, tu comprends? Personne ne doit jamais savoir que..."


La jeune femme n'eut pas le temps de terminer sa phrase: Târâ ne put réprimer un gémissement de douleur, et elle se prit la tête entre les mains. Surprise, Kâli recula un instant.

"Târâ...? Est-ce que tout va bien?"

Le visage tordu par la douleur, Târâ continuait de presser ses mains sur ses tempes.

"Non... Non... Non!" murmurait-elle inlassablement.

Kâli ne comprenait pas bien ce qui était en train de se passer. Pourquoi ne lui répondait-elle pas? Pourquoi semblait-elle... parler à une présence invisible? Quelque chose de bizarre était en train de se passer.

Soudain, Târâ s'effondra sur le sol. Kâli s'apprêtait à la soutenir, mais elle se releva seule, comme si rien ne s'était passé. Mais quelque chose avait changé en elle. Son regard... Son regard n'était plus le même, il semblait vide et terne.

"Vraiment Kâli... Si seulement tu t'étais mieux occupé de moi, rien de tout ça ne serait arrivé."


"Tu n'es pas gênée de me dire ça! s'exclama Kâli hors d'elle. Tu crois pas que j'ai passé pratiquement toute ma vie avec toi? J'ai tout laissé de côté pour m'occuper de toi, et faire en sorte que tu te sentes bien! Alors avant de dire de telles choses, tu devrais réfléchir un peu non?!
-Si tu ne t'étais pas contentée de me parler comme à une enfant, j'aurais pu démasquer Akin avant qu'il ne nous fasse du mal à toutes les deux!
-Et toi, tu n'aurais pas pu venir m'en parler plus tôt avant de te jeter dans les bras d'un inconnu, et de croire tout ce qu'il te raconte? Dire que vous ne vous entendiez pas bien au début! Tu n'as jamais eu confiance en les inconnus, jamais! Et là, un beau matin, tu tombes amoureuse les yeux fermés? Franchement, il y a de quoi rire là!"

Kâli se tut, essoufflée. Elle était en train de se rendre compte de ce qu'elle venait de dire, mais il était trop tard pour rebrousser chemin. Sans compter que le comportement pour le moins étrange et inhabituel de Târâ ne l'aidait pas à contenir en elle des vérités qui pouvaient s'avérer blessantes...


"Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour te protéger Kâli! Je n'aurais jamais laissé personne te faire du mal, personne tu m'entends!
-En quoi être avec Akin m'a protégée? Tu divagues, tu racontes vraiment n'importe quoi Târâ!
-J'ai tout fait, tout! poursuivit-elle sur sa lancée. J'ai toujours veillé à éloigner les garçons qui te tournaient autour à l'école, et je te laissais toujours les meilleurs fruits quand on ne mangeait pas à la maison!
-Qu'est-ce que...
-Tu crois que tu es la seule à t'être privée pour ta soeur? Et bien tu te trompes! J'ai été tellement discrète, et tellement naturelle que tu ne t'en es même pas rendue compte! Merci bien, j'ai passé toute mon adolescence à rester auprès de toi, et voilà comment tu me remercies!
-Et moi donc? Tu crois que je n'ai pas fait d'énormes sacrifices pour toi? Est-ce que je n'avais pas le droit d'avoir un peu de bonheur avec Akin?
-Si papa et maman ne te l'avaient pas présenté, il ne se serait jamais rien passé entre vous! On aurait été tranquille, tu vois bien qu'il ne t'a causé que des ennuis! Ils n'ont eu que ce qu'ils méritaient!
-De quoi est-ce que tu parles encore...?"


Târâ continuait de parler sans s'arrêter, avec ce même regard vive qui dérangeait et mettait sa soeur mal à l'aise.

"Je veux dire que c'est grâce à moi si papa et maman ne sont plus là!
-... Quoi?
-Ce soir-là... Je suis allée prendre une fiole dans ta réserve de médicaments, il m'a suffit d'en mettre quelques gouttes dans leur tasse de thé, et le tour était joué.
-Tu... Tu plaisantes là?"

Un sentiment d'effroi passa sur le visage de Kâli. Ce n'était pas possible... Mais qui avait-elle en face d'elle? Târâ arborait un visage diabolique, et continuait de débiter ses phrases tel un automate, sans aucune trace de remord. Où était donc passé la jeune femme douce et affectueuse qu'elle avait été jusqu'à présent?

"Tu n'as rien remarqué, tu étais tellement occupée avec Akin que ça a été un jeu d'enfant pour moi."


Târâ se rapprocha de sa soeur, et baissa la voix d'un ton.

"Mais réfléchis-donc un instant... Qu'est-ce qui se serait passé si je les avais laissés en vie? Ils t'auraient poussée à l'union, c'est certain! C'est à cause d'eux que tout à commencé... S'ils étaient restés, ils nous auraient séparés, je ne pouvais pas les laisser faire ça.
-Je ne comprends pas, tu étais tellement bouleversée par leur mort! Ne me dis pas que tout ça est vrai! Oh Târâ, c'est impossible! Mais qu'est-ce que tu as fait, qu'est-ce que tu as fait!"

Târâ ne répondit pas, et afficha un air absent. Elle ne semblait pas se rendre compte de ce qu'elle disait, comme si quelqu'un d'autre avait pris place dans son corps, et qu'elle n'était plus qu'une coquille vide...

Au fur et à mesure de la conversation, Kâli se sentait de plus en plus blêmir. Sa soeur était en proie à une crise de folie démentielle, et révélait une partie d'elle-même qu'elle n'avait jamais soupçonnée.


"Tu devrais me remercier au lieu de me crier dessus! s'exclama Târâ. C'est moi qui en fais le plus pour toi ici! J'ai toujours veillé à ce que personne ne te fasse de mal! Sinon, jamais je ne m'en serai pris à nos parents! Moi aussi je les aimais, qu'est-ce que tu crois! Mais c'est toi que j'aime le plus, c'est toi qui as toujours été ma priorité dans ma vie! Je ne pouvais pas les laisser te diriger vers cet homme comme ça! Quand j'ai compris qui il était vraiment... Je me suis jurée que je le punirai! Et en réfléchissant, j'ai trouvé que la seule punition assez forte pour lui, c'était la mort! Mais est-ce que je pouvais courir le risque que papa et maman te présentent à nouveau un autre homme? Non! Ils devaient payer pour ça... Payer pour avoir été les complices de ce démon!
-Comment voulais-tu qu'ils le sachent! Ils avaient pleine confiance en lui, tu ne crois quand même pas qu'ils voulaient me faire du mal! Réfléchis! Tu me fais peur Târâ, tu me fais peur, calme-toi je t'en prie!"

Le visage en larmes, Kâli regardait sa petite soeur s'agiter sous ses yeux. Plus elle continuait de parler, et plus sa folie se faisait grande...


"Et puis, pour Akin, il m'a fallu attendre le moment propice, voilà tout.
-Je croyais que tu ne te souvenais de rien!
-Un trou de mémoire passager... Tout me revient en tête à présent. Nous étions tous les deux, il voulait me parler, mais... Je ne lui en pas laissé l'occasion. Je crois qu'il a rapidement compris ce que j'avais en tête, mais il n'a pas eu le temps de réagir.
-Que lui as-tu fait?!
-Un coup derrière la nuque. C'était facile, et très efficace...
-Tu... Tu es horrible!
-Il le méritait. Rends-toi bien compte, il nous a trompées toutes les deux! Il ne t'aimait pas plus que moi, il voulait juste profiter de nous!
-Ce n'est pas vrai, nous allions fonder une famille! Peut-être avait-il compris son erreur, tu ne lui as pas laissé le temps de s'expliquer!"

Kâli se sentait de plus en plus paniquée au fur et à mesure des révélations de sa soeur. Etait-elle donc devenue un monstre? Qu'est-ce qui avait déclenché ces sentiments de haine en elle...?


Târâ vacilla un instant. Son regard semblait regagner quelques étincelles de vie. Elle regarda tout autour d'elle, puis la lumière s'éteignit à nouveau, laissant entièrement place au vide qui l'habitait. La guérisseuse en était certaine à présent, sa soeur était en proie à une crise qu'elle ne maîtrisait pas du tout...

Depuis combien de temps ces crises avaient-elles lieu? Dire qu'elle ne l'avait même pas remarqué... Elle avait bien remarqué quelques signes d'instabilité, notamment durant leur enfance, mais à part ça... Elle n'aurait jamais pensé qu'elle puisse se transformer en femme sanguinaire, avide de vengeance.

"Târâ, écoute-moi... Viens, je vais te donner quelque chose, ça te fera du bien... Tu... Tu dois te reposer, tu n'es pas du tout dans ton état normal, et...
-Je suis parfaitement normale! Je me sens bien, tu n'as pas à t'inquiéter.
-Tu m'avoues avoir tué trois personnes de sang froid et je ne devrais pas m'inquiéter?! Mais il n'y a rien de normal là-dedans Târâ!"


Kâli ne savait plus quoi penser, et encore moins faire. Devait-elle livrer sa soeur à des autorités plus compétentes qu'elle? Mais qu'allait-on lui faire...? Le sort réservé aux criminels n'étaient pas enviable, et encore, elle n'était pas certaine de savoir en quoi il consistait, tant les gens généralement droits dans le village.

Mais comment garder un tel secret? Comment ne pas raconter à quelqu'un ce que Târâ avait fait? Et qui lui disait qu'elle ne recommencerait pas ces atrocités? Kâli ne pouvait pas vivre sachant que quelqu'un était prêt à tuer tous ceux qui l'approcheraient d'un peu trop près. Souffrir faisait partie de la vie, et on ne pouvait pas s'en protéger en éliminant les menaces potentielles... Au contraire, Târâ lui avait fait encore plus de mal de cette façon, sans le savoir.

"Târâ... il faut qu'on aille parler de tout ça à quelqu'un.
-Quoi?
-On ne peut pas garder ça pour nous, c'est trop grave!"


Comme elle l'avait prévu, Târâ monta sur ses grands chevaux.

"Tu veux me dénoncer! Mais je n'ai rien fait de mal, je voulais te protéger!
-Arrête de dire que tu n'as rien fait de mal! D'accord tu as fait tout ça pour punir ceux qui m'on fait du mal ou qui y ont participé, même involontairement, mais arrête de dire que c'est normal! Ça ne l'est pas, en aucun façon! Depuis quand est-ce que prendre la vie de quelqu'un d'autre est bien ou autorisé? Ça ne l'a jamais été Târâ, et tu le sais parfaitement! N'essaie pas d'excuser tes actes!
-Alors quoi, tu veux  me mettre au bûcher?
-Non, bien sûr que non! Mais sois raisonnable, rends-toi bien compte de tout ce que tu viens de me dire... Comment tu réagirais à ma place?"

Kâli trouvait d'ailleurs qu'elle était étrangement calme après de tels aveux. Le contre-choc allait s'avérer très douloureux...


Târâ essaya de respirer calmement, et elle ferma les yeux pendant quelques minutes. Quand elle les rouvrit, elle arbora un visage calme et serein.

"Kâli... Tu sais bien que je n'ai jamais voulu tout ça...
-C'est bien ce qui m'inquiète, vois-tu... On dirait que tu ne te contrôles pas Târâ, regarde-toi! Regarde comme tu viens de me parler, réfléchis à tout ce que tu m'as dit... Tu ne m'aurais jamais dit tout ça en temps normal, de ça j'en suis persuadée! Tu as besoin de soins, tu as besoin de gens pour te soutenir et te soigner. S'il te plaît, laisse-moi prendre les choses en mains, je veillerai à ce qu'il ne t'arrive rien!"

Târâ secoua la tête en signe de négation, et elle tendit la main en direction de sa soeur. Cette dernière recula légèrement, puis lui frôla les doigts.


"Je t'ai toujours admirée Kâli... Tu as toujours été la fille qui réussissait partout pour moi. J'ai toujours voulu être comme toi, mais cela n'a jamais été le cas malheureusement... nous sommes trop différente.
-Tu n'as pas besoin d'être comme moi pour qu'on t'apprécie, tu le sais bien. Je t'aimais comme tu étais.
-Tu m'aimais? Tu as toujours été mon... mon trésor, peut-être qu'on peut dire ça comme ça. Je voulais absolument te préserver, et quand j'ai découvert que... que Akin avait osé salir ton honneur, et trahir ton bonheur... Ça m'a tellement fait mal, tellement plus qu'à moi-même..."

Kâli était à la fois touchée par le dévouement de sa soeur, mais aussi effrayée. Ne l'aimait-elle pas... un peu trop?


Les yeux encore un peu plus arrondis, le regard encore plus vide, Târâ se rapprocha encore plus de sa soeur.

"Qu'est-ce que... qu'est-ce que tu fais? lui demanda-t-elle.
-Personne... Plus personne ne te fera de mal Kâli. Je te le promets, plus jamais."

Elle passa lentement les mains autour de son cou, et Kâli lui prit les épaules.

"Târâ, lâche-moi s'il te plaît."

Ne pas céder à la panique. Surtout pas, si elle commençait à paniquer et à se débattre, Târâ allait entrer encore plus loin dans son délire.


La plus jeune des deux soeurs plongea son regard dans celui de son aînée. Un regard froid, et toujours un peu plus fou. Il était impossible d'y retrouver la jeune femme qui avait grandi à ses côtés.

"Tu es à moi Kâli... Tu es à moi, personne ne t'a jamais aimée plus que moi!
-Oui, oui d'accord mais lâche-moi s'il te plaît! Tu me fais mal!
-Plus personne ne te fera souffrir! Plus jamais! Tu resteras près de moi pour toujours, pour l'éternité! Je ne te laisserai pas partir!
-Mais je n'ai jamais dit que j'allais m'en aller, qu'est-ce que tu racontes!
-Je le sais, je sais que tu veux me laisser... Je ne peux pas te laisser faire, je suis désolée...
-Târâ! Arrête je t'en prie!"

Elle sentait les longs doigts fins de la musicienne se resserrer autour de son cou.


Elle lui lança un regard désespéré. Târâ avait beaucoup plus de force qu'elle ne l'aurait imaginé, il lui était impossible de lui faire lâcher prise. La voir d'aussi près était terrifiant. Alors c'était comme ça que tout allait finir?! Allait-elle mourir aussi?!

Depuis quand Târâ était-elle devenue aussi fanatique? Comme elle s'en voulait de n'avoir rien vu plus tôt!

"Târâ, j'ai du mal à respirer, lâche-moi!"

Elle resserra son étreinte autour de son cou.

"Nous vivrons heureuse toutes les deux, tu verras... Il n'y aura plus personne pour nous séparer ou pour nous faire du mal."


Kâli commençait à suffoquer. Elle regarda autour d'elle s'il n'y avait pas un moyen de s'échapper, mais elle ne voyait pas comment s'en sortir.

Elle prit les poignets de sa soeur dans les siens, mais ses forces étaient déjà en train de la quitter: l'oxygène parvenait difficilement à parcourir son corps, et déjà, la pièce tournait tout autour d'elle. La seule chose qu'elle discernait encore parfaitement, c'était la voix de Târâ qui résonnait à son oreille.

"Je t'aime Kâli... Je suis désolée, mais je ne peux pas prendre le risque de te voir partir... Tu comprends, je n'y survivrai pas... Mais je continuerai de prendre soin de toi... Même quand tu seras auprès des esprits..."


Kâli se débattit comme elle put.

Ses bras cognaient sa soeur, sa bouche cherchait désespérément une bouffée d'air.

Des étoiles commençaient à danser devant ses yeux. La pièce tournait.

Le visage de Târâ tout près du sien. Son souffle chaud.

Et puis un objet. Elle rassembla ses dernières forces pour l'attraper. Un bruit sourd résonna.

Et tout à coup, la guérisseuse sentit à nouveau l'air emplir ses poumons.


Quand elle réussit à recouvrer ses esprits, elle s'aperçut que Târâ  gisait à terre, auprès de l'objet lourd dont elle avait réussi à se saisir. Elle avait du réussir à lui porter un sérieux coup, puisque la jeune femme ne bougeait plus.

"Târâ!!"

Kâli se précipita auprès d'elle et essaya de la relever, sans succès. Elle posa son oreille sur sa poitrine, et perçut encore un faible battement de coeur. Etait-elle simplement inconsciente?

"Târâ, réponds-moi s'il te plaît! Târâ, c'est moi! Je suis là, je t'en prie!"

Boum boum. Boum boum. Boum boum.


Ses lèvres remuaient faiblement. Essayait-elle de lui dire quelque chose? Kâli approcha son oreille, mais elle ne parvint qu'à capter un faible mouvement d'air.

Sa respiration avait l'air d'être de plus en plus calme.

Boum boum. Boum boum.

"Târâ, s'il te plaît... Ne pars pas, je t'en prie..."

Les larmes ruisselaient sur le visage de Kâli. En tant que guérisseuse, elle savait pourtant parfaitement que le coup qu'elle lui avait porté avait été...

Boum boum.

Pourquoi fallait-il qu'elle s'accroche autant à des espoirs vains?


Boum.

Un long cri de désespoir déchira le silence de la maison. Les sanglots de la jeune femme durèrent longtemps, elle ne sut combien de temps elle resta là, allongée sur le corps de sa soeur.

Puis de longues heures de silence complet vinrent envahir le village.

Et tout à coup, un autre cri. Plus aiguë, mais plus puissant aussi. Les pleurs d'un nouveau-né.


2 commentaires:

  1. maeleo26/12/15

    Ow god ce chapitre. Mais ce chapitre. J'en suis toute bouleversée. Les choses ont tellement dérapé et si vite. Je me doutais que Târâ avait quelque chose à voir avec la mort de ses parents et d'Akin mais qu'elle essaye de tuer sa soeur pour la garder près d'elle... Sa folie était plus grave que je ne le pensais... Kali va bien avoir du mal à se remettre de tout ça

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    1. Les choses ont dérapé rapidement, mais il y avait des indices tout le long des chapitres précédents! :) Târâ aimait tellement sa soeur, et vu sa fragilité, c'était une fin qui me semblait logique!

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